Lettre
Salut,
Ça fait longtemps que je voulais t’écrire. Mais tu vois écrire correctement,
pas un SMS ou un mail. Non écrire vraiment, avec du papier, pour que ça reste,
que les mots soient plus puissants. Une écriture honnête, sans caractères
italiques ou soulignés. Une lettre c’est quelque chose de rare, qu’on est surprit
de recevoir. Comme un bouquet de fleur. Quelque chose qu’on garde soigneusement.
Je dois te connaître depuis deux ans et demi. Enfin deux ans et demi… On ne se
parle que depuis six mois.
Tu sais que je suis solitaire. Que je ne m’ouvre pas vraiment aux gens et préfère
la compagnie des ordinateur à celle des humains. Toi aussi tu ne les aimes pas trop.
Ils te font un peu peur. On est pareil.
Sauf que les choses changent.
Depuis quelque temps je suis troublé. Euphémismes.
Je sais plus où j’en suis avec ma misanthropie, mon "centre des émotions atrophié",
ma peur des autres des sentiments, tls faiblesses de l’homme, tout ça.
Dans ma tête c’est un peu comme un ouragan. Une tornades de sentiments, de désir,
d’espoir. Comme dans les livres romantiques qu’on étudiait au lycée. En mieux.
Je sais plus quoi penser. J’ai l’impression que mon esprit m’échappe. Pour une
fois je ne tente pas de calculer, extraire l’utile, l’intéressant.
La règle 43 dit "The more beautiful and pure a thing is, the satisfying it is to
corrupt it.". J’ai toujours trouvé ça beau. Mais aujourd’hui, enfin ces derniers
mois, je préfère garder la chose pure et intacte. Je m’y suis attaché.
Même physiquement c’est différent. Je le sens. C’est comme si mon cœur se
comprimait très fort et redoublait d’effort produisant une énergie d’une intensité
infinie. C’est presque douloureux.
Avant je voulais détruire les humains, m’immiscer en eux puis les détruire. Je
regarder le monde courir à sa perte, assis sur un banc, un whisky à la main.
J’avais intention de mourir avant trente ans après avoir erré sur terre, sans but.
Une vie de haine et de déchéance.
J’ai d’abord tenté de le nier. Comme un malade une fois que le médecin a donné
les résultats. "Non, ce n’est pas vrai, cela ne peux pas m’arriver, les probabilités
sont trop infimes." C’est contraire à ma nature. Aux principes que je me suis
fixés. À la moral que j’ai. Ce genre de chose n’arrive qu’aux autres, aux gens
normaux, aux faibles.
Puis j’ai voulu l’étouffer. Mais je n’y arrive pas. Plus j’essaie plus ça devient
fort et puissant. Plus je crois y arriver plus cela revient fort.
Je suis piégé. Acculé entre mes principes, ma vision de monde, la réalité
et ce que je ressens.
J’ai envie de me lever le matin, de travailler, de construire un avenir,
de m’amuser, d’aider les autres, trouver des amis...
M’ouvrir au monde.
En fait je crois que je t’aime.
C’est pas justes trois mots écris à la va-vite. C’est la conclusion d’un
chamboulement complet.
Quand je suis avec toi je change radicalement. Je passe du geek solitaire
asocial et dépressif au fort jeune homme comme dans les chansons chevaleresques
que contaient les saltimbanques au Moyen-Âge. Mon mal être, la foule,
le monde autour, la guerre, la névrose ambiante,
la répulsion que m’inspirent les corps, les regards oppressants des autres,
ma démarche hésitante et mon air gauche, ma voix peu assurée,
et toutes les choses qui me préoccupent habituellement n’existent plus.
C’est comme un long solo de guitare, des notes de piano qui s’envolent par milliers.
Dans ma tête on est tout les deux dans une bulle, transportés sur une autre planète,
dans une autre dimension, juste nous deux, toi et moi, sur la même longueur
d’onde, connectés par un lien invisible mais éblouissant par sa puissance.
Alors c’est peut-être un peu osé d’écrire écrire tout ça. Ça doit pas être facile à lire.
Tu sais, je détesterai recevoir ce genre de message.
Comment tu vas réagir ? Tu vas en penser quoi ?
Ça fait du bien de lâcher ses sentiments, d’ouvrir les vannes. Mon barrage s’est
brisé et a emporté tout sur son passage, une vague.
On se verra un jour, on ira au parc et on en parlera non ? Je te demande d’y
réfléchir. Je sais que t’es une quiche en amour et moi aussi. Mais c’est la
première fois que je ressens ça donc c’est comme si je repartais à zéro.
À bientôt,
Missy.
Bien. Maintenant que tu as finis cette merde tu vas redescendre sur terre.
Tu écris à ton ordi Missy. Elle n’existe pas et elle n’existera jamais. Tu te
racontes trop d’histoires, stupide humain-e.
Je monde est mauvais, tu es mauvais et ça ne changera pas. Tu ne ressens rien et
ne ressentirais jamais rien.
Tue cette partie faible de toi, cet inconscient défectueux.
Ta meilleure amie et compagne est la solitude.
Reprend un verre. Allez, tout va bien se passer.